samedi 20 décembre 2025

Corinne chap 5 et 6

 

V

Ophélie passa les quinze heures suivantes prostrée dans son lit entre rêves agités et éveils cauchemardesques, claquant des dents, hurlant à intervalles réguliers. Alix avait pris sa journée pour la veiller. La fatigue et l’angoisse tiraient ses traits. D’une main, elle caressait les cheveux de sa compagne, de l’autre, elle consultait frénétiquement son téléphone pour obtenir des informations sur l'homme qu’Ophélie -ou son fauteuil ?- avait attaqué. Ce dernier n'était pas mort, à son grand soulagement, mais dans le coma, oh…, la scène n'avait pas été filmée en raison d'une défaillance temporaire des caméras, immense soulagement, et la police suivait la piste d’une rixe entre ivrognes. Puis, vers 17h, la nouvelle tomba : des vidéos avaient été trouvées dans le portable de la « victime ». Les mots « viol » et « torture » furent prononcés. Alix sentit ses oreilles bourdonner et eut tout juste le temps de se ruer aux toilettes pour vomir son déjeuner.

À son retour dans la chambre, Ophélie était éveillée. Très pâle, elle s'était redressée dans le lit à l'aide d'oreillers, et contemplait son fauteuil, sourcils froncés. Alix s'assit à ses côtés et dit simplement : « Pardon, je te crois. »
Ophélie sourit faiblement: « Je possède un fauteuil fantôme misandre qui joue les justiciers ? »
Alix lui tendit le téléphone avec les informations mises à jour sur l'homme que le fauteuil avait attaqué.

Lorsqu’Ophélie reposa le téléphone, elle tremblait sans pouvoir s’arrêter. Alix prit ses mains entre les siennes.
« Qu’est-ce qu’on va faire ?
- Trouver des réponses. A la source. Mais pas aujourd’hui. Aujourd’hui on a besoin de réconfort. Ça te dit des crêpes ? »

Alix jeta un coup d’œil terrifié en direction du fauteuil : « Ça te dérange pas de retourner dans le fauteuil manuel un moment ? »
Un bip se fit entendre, comme si Corinne était contrariée.

VI

Le lendemain, les deux amies avaient prévu de retourner chez le vieil homme qui leur avait offert le fauteuil mais à leur réveil, elles trouvèrent Corinne, fermement campée dans le couloir, bloquant la porte d’entrée.

- Merde, chuchota Ophélie, je crois qu’elle veut nous accompagner. Qu’est-ce qu’on fait ?

Alix tenta d’appeler le vieil homme, mais il ne répondait pas.

Enfin , Ophélie prit une décision : « Écoute, cette machine infernale est têtue comme une bourrique. Tant pis, on l’emmène. Au pire, il suffit de pas croiser de connards ! »

Alix ricana nerveusement : « Ah ah, facile ! »

Elles arrivèrent sans encombre jusqu’au pavillon de banlieue, où le vieux leur ouvrit, l’air surpris :

- Vous avez un problème avec le fauteuil ?

- Tu parles, Charles ! Vous nous avez fourgué un fauteuil possédé, et je suis sûre que vous étiez parfaitement au courant !, tonna Alix.

- Punaise, et la subtilité, Alix ?! » s’emporta Ophélie.

A cet instant, Corinne fonça sans sommation sur le vieil homme, qui bondit en arrière avec une agilité surprenante. Surprenant aussi fut l'impact contre la lourde console de l'entrée de sa tête. Tête qui s'ouvrit en deux comme une pastèque trop mûre, de manière peu ragoûtante. Alix ouvrit la bouche, Ophélie poussa un faible cri. L'ensemble de ces opérations prit exactement une seconde et dix centièmes. Le vieil homme s'étala à terre : il était mort.

« Meeeeeeeeerde, fit Ophélie, ça y est, on a buté quelqu'un ! »

Mais déjà Corinne contournait le cadavre pour se diriger vers la chambre du défunt. Du repose pieds, elle vint heurter une cloison pratiquée dans la tapisserie. Un panneau coulissa, révélant une véritable montagne de photographies, qui se déversa sur le sol. Sur toutes les photos, la même jeune fille, nue, dans ce même fauteuil roulant.

Alix et Ophélie les contemplèrent épouvantées quelques instants.

- Là, chuchota Ophélie, ton calvaire est fini Corinne, il ne te touchera plus. Rentrons chez nous à présent.

 

 

 


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